Installation des jeunes médecins : les facteurs déterminants

En 2019, une étude menée par la commission jeunes médecins du CNOM (thésés, internes, médecins installés) et par le conseil national de l’ordre des médecins a souhaité mettre en exergue les facteurs décisifs qui motiveraient les jeunes médecins à choisir un lieu d’installation et à finalement apposer leur plaque.

Voici les résultats de cette étude révélatrice.

Les médecins interrogés

Pour réaliser cette étude, un questionnaire a été adressé à l’ensemble des médecins quel que soit l’âge, la qualification, le type d’exercice et le diplôme.

15 319 médecins ont répondu à cette étude.

Plusieurs questions ont été posées à des médecins installés, exerçant soit en libéral dans 40 % des cas, soit en exercice salarial dans 22 % des cas, soit dans 8 % des cas en exercice mixte : soit plus de 10 000 médecins installés.

Dans 11 % des cas, les internes sans licence de remplacement ont répondu à l’étude, comme 5 % des internes avec licence de remplacement, soit environ 2400 internes.

2080 remplaçants exclusifs, en dehors des internes, ont été interrogés, soit 14 % de l’étude des effectifs.

Les spécialités et la démographie des médecins

Cette étude a concerné :

  • 60 % de médecins généralistes
  • 25 % de gynécologues
  • 19 % d’ophtalmologues
  • 15 % de chirurgiens orthopédistes
  • 5 % de psychiatres
  • 4 % de pédiatres

L’étude étant réalisée en 2019, il y a une majorité d’hommes (60 %) pour 40 % de femmes, dont l’âge moyen était de 40 ans. La profession médicale se féminise, avec près de 60 % de femmes qui entreront sur le marché du travail des médecins à partir de 2025.

La cohorte des internes est différenciée de la cohorte des remplaçants thésés ayant fini leur internat et inscrits à l’ordre national des médecins sous le mode d’exercice de remplaçant.

Dans cette étude, on note que 19 % des médecins ont plus de 55 ans soit près de 3000 médecins.

Les médecins remplaçants sont à 90 % issus de spécialités médicales et non chirurgicales. Les médecins répondant à cette enquête ont moins de 40 ans à 50 % des cas.

Activité libérale versus activité salariale : l’activité mixte est l’idéal

Les jeunes médecins, dont l’âge est inférieur à 40 ans en 2019, envisagent une activité libérale ou mixte dans 75 % des cas. 20 % environ souhaite une activité uniquement salariale.

On constate toutefois que 12% des nouveaux inscrits au conseil national de l’ordre des médecins se sont installés en libéral en 2020.

L’accompagnement humain au centre de la problématique de l’installation

L’étude montre que l’accompagnement humain est au centre de la détermination à l’installation. Les remplaçants et les médecins installés ont besoin du soutien du conseil départemental de l’ordre des médecins, localement bien implanté, et du soutien d’un confrère ou d’une consœur à proximité de leur lieu d’installation, pour permettre d’exercer avec plus de sérénité. Pour les internes, la proximité d’un confrère/consœur ou d’une collectivité territoriale est un facteur déterminant à l’installation à plus de 63 %.

Cette étude permet également de renforcer l’idée que les professionnels de santé veulent s’installer dans une localisation où il y a des établissements de santé dans le secteur, permettant de les accompagner dans leur démarche et lever l’isolement de la prise en charge hospitalière si nécessaire dans leur activité.

Pour les remplaçants, jeunes médecins thésés, 87 % ont besoin d’avoir sur le territoire d’autres professionnels de santé ou un hôpital à proximité.
Pour les internes, c’est également un facteur déterminant à 81 % du choix de leur installation. Cette tendance est moins nette chez les professionnels de santé déjà installés. La proximité d’autres professionnels de santé dans le territoire n’est déterminante qu’à 60 %.

Ce critère semble plus important pour les jeunes installés que pour les plus anciens.

L’accompagnement financier : non déterminant à l’installation en région

Cette enquête est également intéressante pour comprendre que le mécanisme financier n’est pas déterminant pour choisir l’installation des jeunes médecins, et en particulier le lieu géographique de l’installation.

Dans 48 % des cas, les internes sont partiellement intéressés par les mesures financières étatiques les incitant à s’installer dans un territoire de désert médical.

Cet avis est partagé par les jeunes médecins thésés. Moins de 40 % des médecins entre 30 et 35 ans sont intéressés par les aides financières et rapportent que ce n’est pas un moteur à leur installation dans une zone de désert médical. L’aspect financier apparaît donc dans cette étude comme sans influence sur le choix de la région.

L’accompagnement territorial

En revanche, l’installation est étroitement liée à une dimension territoriale, avec une proximité de deux facteurs décisifs essentiels pour les internes et les remplaçants :

1⃣ La proximité du service public (centres hospitaliers) leur permettant d’hospitaliser ou de demander de l’aide à leurs confrères
2⃣ La proximité d’une aide familiale. Le rapprochement familial est structurant pour les jeunes couples avec enfants qui privilégient l’environnement familial avec les aides de proximité et la qualité de vie.

Arrivent en 3⃣ème et 4⃣ème position pour choisir le territoire d’installation : des équipements culturels et sportifs, ainsi que la facilité des transports pour permettre un déplacement plus serein.

L’accompagnement du conjoint

Ce qui favorise l’installation en région, et cela se voit chez les internes, est le projet d’installation pour le conjoint.

En effet, pour 86 % des internes, trouver un travail au conjoint leur permettra d’accélérer l’installation en région.

Chez les jeunes thésés, 41 % des médecins trouvent qu’il est important d’associer le conjoint dans le lieu de l’association. Cela signifie que les jeunes internes ou remplaçants ont plus de difficultés à se projeter dans une région sans un projet personnel associé.

La charge de travail

La connaissance de la charge de travail en région est une préoccupation pour les primo-installés. En effet, cette attente est très forte pour les internes (à 82 %). Pour les remplaçants exclusifs, la charge de travail intervient peu pour 46 % d’entre eux. Le fait d’équilibrer la charge de travail ne semble pas jouer chez les jeunes thésés de 30 /40 ans, en recherche d’une installation.

En revanche, chez les internes en quête de remplacement, elle semble être un argument important pour décider de l’endroit où remplacer !

Exercer seul… ou à plusieurs ?

Pour les internes et les jeunes médecins remplaçants, l’activité (libérale ou salariale) en maison de santé pluridisciplinaire est plébiscitée à 72 %.

Travailler seul ne semble plus être la priorité pour la jeune génération.

L’activité mixte libérale et salariale est également un argument intéressant qui attire les jeunes installés. Chez les jeunes médecins, l’exercice collectif ou coordonné est largement acquis à 70 %, contrairement à un exercice seul, qui reste minoritaire à 24 %.

La raison principale est l’évaluation du risque économique d’une installation en cabinet seul. Les médecins ne sont pas formés aux notions de gestion, d’entrepreneuriat ou de management, et hésitent à s’installer seul, et à concrétiser leur projet d’installation. Ils préfèrent à plus de 60 %, partager les risques avec un confrère.

Le remplacement avant l’installation

On constate qu’avant une installation, 81 % des médecins ont eu une période d’activité de des remplacements exclusifs dans l’endroit de l’installation.

Toutefois, 57 % des médecins se sont installés dans un territoire où ils n’avaient jamais remplacé.

Les jeunes médecins, internes et jeunes thésés, envisagent de s’installer dans 57 % des cas entre six mois et trois ans. Ils choisissent de réaliser différents modes d’exercice, salarial et libéral, en cabinet seul ou pluridisciplinaires, ou encore en maison de santé, et dans différents territoires avant d’apposer leur plaque de façon définitive.

En résumé…

La proximité de professionnels de santé, de confrères/consœurs et d’établissement de santé sont autant d’éléments déterminants pour l’installation de jeunes thésés, et pour favoriser l’arrivée des remplaçants.

Il est important de travailler en réseau et de pouvoir réaliser une entraide professionnelle. Le maillage territorial d’un réseau professionnel est nécessaire voire indispensable pour la prise en charge optimale des patients par les professionnels de santé surtout si ils envisagent de s’installer dans la région. Lever l’isolement est donc une priorité pour les professionnels primo-installés.

La proximité familiale, et l’accompagnement du conjoint sont également des éléments déterminants pour l’installation d’un jeune professionnel de santé dans le territoire.

L’équilibre projet professionnel accompagné et régulé, et vie familiale,sont au centre de la problématique du néo-installé en région.

L’entreprenariat du primo installé est envisagé mais les médecins sont mal préparés à cet exercice et nécessitent l’accompagnement et le soutien de confrères/consœurs, et du territoire.

One Comments “Installation des jeunes médecins : les facteurs déterminants

  • henrion

    says:

    Dans le cadre d’un travail de recherche, je serais interessé de disposer de votre étude sur les déterminants à l’installation. Est-ce publié ? Le questionnaire est-il disponible ? et les chiffres ?

    MErci

    Prof. HENRION Dominique – Université de Namur – Belgique

    Répondre

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